Le colloque « Fusions d’universités : bilan, retours d’expérience et perspectives » réunira les 10 et 11 octobre un public de choix à l’Université de Strasbourg : présidents d’universités françaises et européennes, décideurs du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et des collectivités territoriales, et la ministre Frédérique Vidal est annoncée. Le président Michel Deneken nous parle de cet événement au sommet, l’un des dix organisés pour la célébration des dix ans de l’Unistra.
« Un regard prospectif plutôt que rétroactif »
Pouvez-vous nous expliquer le choix de la thématique de la manifestation des 10 et 11 octobre prochains ?
Ce choix est tombé sous le sens. Dix ans après notre fusion, nous avons souhaité marquer symboliquement cet anniversaire, à travers dix événements, festifs, mais aussi scientifiques. Avec ce colloque, nous honorons notre dimension universitaire. Ces deux jours seront consacrés à dresser le bilan, explorer les avantages et les difficultés d’une fusion, mais aussi, bien sûr, à ouvrir la perspective à d’autres établissements. Nous souhaitons porter un regard non pas tellement rétrospectif, mais surtout prospectif.
Pourquoi l’initiative en revient-elle à l’Université de Strasbourg ?
On n’a pas l’habitude de fanfaronner à Strasbourg, mais ce colloque sera l’occasion de le rappeler fièrement : notre université a été la première à fusionner, avec succès, dans la foulée de la loi de 2007. Les festivités liées aux dix ans sont légitimement accompagnées d’une expression qui nous caractérise : « L’audace des pionniers ».
Il était logique d’inviter celles qui nous ont suivi sur ce chemin, parfois avec plus de mérite : Bordeaux, Sorbonne Université, Aix-Marseille (deux villes de tailles et de cultures différentes, rappelons-le). Comme par hasard, parmi les universités fusionnées, quatre sont dotées d’un Idex pérenne1 : il s’agira de se poser la question de l’œuf ou de la poule.
Comment a été fait le « casting » des personnalités présentes ?
Seront présents les présidents des universités citées précédemment2. Mais aussi des collègues européens – recteurs de l’Université de Copenhague et de l’Université catholique de Louvain – avec d’autres modèles de gouvernance, sans doute davantage d’autonomie, ce qui donnera matière à réflexion.
Il nous a également semblé important de donner une place à d’autres choix que les nôtres, comme l’Université de La Rochelle et son positionnement audacieux de la spécialisation, ou à des fusions récentes, comme celle de Grenoble.
C’est une diversité de modèles que nous avons invités à ce colloque. Beaucoup d’acteurs se connaissent déjà, ce qui ne préfigure pas pour autant la nature des échanges à venir, dans un contexte d’évolution permanente des universités françaises.
Seront aussi représentés nos partenaires (Conférence des présidents d’université, Eurométropole de Strasbourg), nos tutelles, avec la présence annoncée de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, qui en profitera pour être présente à l’inauguration de l’extension d’Isis.
On peut se poser la question : est-ce un événement scientifique ou politique ?
C’est une bonne question ! Si on entend dessein politique au sens premier du terme : non. En revanche, est-ce que l’on souhaite porter un regard politique, au sens du futur de l’enseignement supérieur et de recherche, oui. Nous sommes à un tournant, en témoignent les débats actuels autour de la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Nous ne sommes pas là pour célébrer un modèle standard mais bien pour interroger ces évolutions avec rigueur, en restant fidèles à notre mission de service public. C’est important, car cela va contribuer à nourrir notre réflexion, dans la suite de Cap2030.
Peut-on aller encore plus loin et imaginer une fusion transfrontalière ?
Hans-Jochen Schiewer, recteur de l’Université de Fribourg-en-Brisgau, représente notre partenariat majeur, Eucor, qu’il préside. De là à imaginer une fusion transfrontalière… Il y a des possibilités, si l’on regarde par exemple certaines disciplines rares de part et d’autre de la frontière. Mais rien ne se fera sans projet apportant une vraie plus-value, et ce quelle que soit l’échelle, et sans l’adhésion de la communauté. Nous restons une université ouverte. Nous continuons à faire la politique de notre géographie.
Propos recueillis par Elsa Collobert et Frédéric Zinck
1 Aix-Marseille Université, Université de Bordeaux, Sorbonne Université et Université de Strasbourg
2 Manuel Tunon de Lara (président de l’Université de Bordeaux), Yvon Berland (président honoraire d’Aix-Marseille Université), Jean Chambaz (président de Sorbonne Université)
Bon à savoir
Guy-René Perrin, ancien délégué général aux Investissements d’avenir de l’Université de Strasbourg, expose le rôle du comité scientifique du colloque, dont il est membre.
« Les membres de ce comité* viennent d’horizons différents. Tous ont des histoires professionnelles et universitaires variées, ce qui a été un atout pour constituer les différentes tables rondes. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur nos réseaux professionnels. L’idée étant qu’avec les personnalités réunies pour ce colloque, s’engage une vraie réflexion sur l’évolution du paysage universitaire en France. L’une des questions centrales est certainement : qu’est-ce qui a été déterminant dans cette évolution ? Quelle a été la part due aux différentes lois qui sont intervenues, comme la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), ou celle qui a été induite par la fusion ? Il est indéniable que la fusion de l’Université de Strasbourg a été déterminante dans l’obtention des financements Idex, elle a permis de construire un dossier stratégique cohérent qui a largement porté ses fruits. Le colloque a pour but de faire un bilan sur ces fusions d’universités mais également de parler de l’avenir à dix ans et certainement au-delà. Quelles pourront être les prochaines grandes évolutions pour l’Université de Strasbourg, les universités françaises et les universités européennes ?
* La constitution du comité scientifique :
- Paolo Samori, directeur de l'Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis)
- Yves Lichtenberger, membre du Comité d’orientation stratégique de l’université, consultant pour la Conférence des présidents d'université (CPU)
- Jean Déroche, Inspecteur général de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche, ancien Directeur général des services de l’Université de Strasbourg
- Guy-René Perrin, ancien délégué général aux Investissements d’avenir de l’Université de Strasbourg
- Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg
- Benoit Tock, vice-président Formation de l’Université de Strasbourg
- Christelle Roy, vice-présidente Stratégies et Développements de l’Université de Strasbourg
- Catherine Florentz, première vice-présidente et vice-présidente Recherche et Formation doctorale de l’Université de Strasbourg
Relire l’interview de Guy-René Perrin en 2011 : « Les résultats des appels à projets du Programme des Investissements d’avenir placent Strasbourg dans le peloton de tête des sites universitaires français »